351 À la façon d'un marabout Au vent de sable des déserts, C'est vêtu de ton bleu boubou Que je vais déclamant mes vers.
Le son des cordes de mes nerfs Que je tendrais sur un violon Pour mieux produire les concerts Que je martèle du talon.
352 Quand je fis face au grand salon, J'eus beau parler de mes études, On ne vit que mon crâne oblong Et ses bizarres attitudes.
Au crachin froid des platitudes Sur ma première vérité, Les convenables habitudes, En l'entendant, m'ont déserté.
353 J'avais encore la fierté De qui croit dur à sa cervelle, Le monstre tout juste alerté Par le haut cri de ma nouvelle.
C'est dans les nerfs qu'il se révèle Et fait la guerre d'attrition : Même le bruit des Caravelle Semble aussi dans sa partition.
354 Il vous sabote en punition L'effet du plus petit réflexe : La moindre faute d'attention Vous met la paume sur le sexe.
Toute parole qui vous vexe De chaque bouche sort d'instinct ; Même votre âme vous complexe Sur la rougeur de votre teint.
355 La foule guette l'air mutin Qui brille dans votre mirette, C'est une flamme qu'elle éteint Comme un mégot de cigarette.
Vous avez beau battre en retraite Jusqu'au plus creux de votre cœur, Il n'est barrage qui arrête L'inondation de la rancœur.
356 Chaque nouveau regard moqueur Que la malchance vous procure Remet en marche un film d'horreur Dans votre tête salle obscure.
Vous avez beau n'en avoir cure, Plus proches sont les plans suivants : Les cataclysmes qu'il augure Sont confirmés par les savants.
357 Vous aviez cru contrer les vents Qui font valser la foule allègre Jusqu'au-delà des paravents Où bien au chaud souffle la pègre.
Vous crûtes être l'homme intègre Qu'il fallait pour l'en délivrer. Vous ne lui êtes qu'un corps maigre Qu'on voit de livres s'enivrer.
358 On voit vous déséquilibrer Comme un Congo privé de danse Car l'onde qui vous fait vibrer Est celle qui le met en transe.
Qui trop regarde en transparence Le monde aux contreforts massifs, Le taux des primes d'assurance Le classe avec les primitifs.
359 Vous allez dire vos motifs À un cueilleur de la Louisiane. Scintille alors dans ses yeux vifs Le clair reflet du fil d'Ariane.
Sa gorge où le vieux jazz piane Chante en pleurant mais sans regret Son peuple en cage sous la liane Pour boire au même vin secret. 360 Qui met en doute le concret Du décor peint sur le barrage Tombe avec lui sous le décret Du monstre qui l'a mis en cage.
Quand le plus beau trait de langage Ne passe plus dans nul salon, Plutôt que de mourir de rage On met en danse son talon.